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Leïla Shahid : « La communauté internationale est complice »

Plus de 160 raids israé­liens ont été menés sur Gaza dans la nuit du mardi8 juillet à mer­credi 9 juillet. L’armée poursuit son offensive, bar­rière de pro­tection en réponse, dit-​​elle, aux tirs de roquettes sur le ter­ri­toire. Des repré­sailles de part et d’autre, depuis la décou­verte des corps de trois jeunes Israé­liens en Cis­jor­danie, suivie du meurtre à Jérusalem-​​Est d’un ado­lescent pales­tinien. Leïla Shahid, ambas­sa­drice de la Palestine auprès de l’Union euro­péenne, met en cause la com­mu­nauté internationale.

RFI : Leïla Shahid, la haine est-​​elle une fois encore la gagnante dans ce drame israélo-​​palestinien ?

Leïla Shahid : En tout cas, c’est l’absence de paix qui génère ce que vous voyez. Et je dirais qu’il n’y a aucune symétrie pour parler de haine, parce que ceux qui sont en train de mourir dans ces 160 raids israé­liens sont des civils. C’est un châ­timent col­lectif ! Lorsque Israël elle-​​même dit que la prise en otage et puis l’assassinat des trois jeunes ado­les­cents était à Hébron, comment se fait-​​il que c’est tou­jours contre Gaza qu’Israël tire ? Il est impen­sable qu’après 47 années d’occupation mili­taire, Israël ait encore l’illusion d’une solution mili­taire. Ils pensent vraiment que c’est en bom­bardant la popu­lation civile de la région la plus peuplée du monde, qu’est la bande de Gaza, ils vont construire une coexis­tence avec les Pales­ti­niens et les Etats arables de la région.

Je pense que le gou­ver­nement de M. Neta­nyahu est un gou­ver­nement dan­gereux avant tout pour la popu­lation israé­lienne, les Pales­ti­niens et pour toute la région. Et donc, il faut que la com­mu­nauté inter­na­tionale arrête cette impunité totale d’une poli­tique d’occupation. Je ne dis­culpe pas les tirs de roquettes sur Israël. Mais voyons la dis­pro­portion des rela­tions. Ce qui se passe se déroule sur un back­ground de 47 années d’occupation mili­taire, dénoncées par le monde entier mais qui n’a jamais dérangé Israël, qui est dans une impunité totale. Nous payons le prix de cette impunité aujourd’hui.

Leïla Shahid, quelles mesures devraient être prises selon vous pour arrêter cette escalade, cet engrenage, à la fois par Israël et par le Hamas ?

Ecoutez, mon pré­sident a demandé la réunion du Conseil de sécurité il y a déjà une semaine. Parce qu’après la dis­pa­rition des trois jeunes gens kid­nappés, après l’assassinat du jeune Pales­tinien - brûlé vif, je le rap­pelle, à Jéru­salem -, mon pré­sident a demandé la réunion du Conseil de sécurité. Aujourd’hui, la Ligue arabe se joint à cette demande, ainsi que la Confé­rence isla­mique. Dans cette région où nous avons déjà pra­ti­quement l’effondrement de l’Irak et de la Syrie, nous n’avons pas les moyens d’une guerre entre Israé­liens et Palestiniens.

Et donc, il faut pre­miè­rement que le Conseil de sécurité assure la pro­tection de la popu­lation civile. C’est dans les Conven­tions de Genève qu’on gère les situa­tions comme celle-​​là. Il faut que les puis­sances contrac­tantes - à com­mencer par la Suisse, qui est la garante de la mise en œuvre des conven­tions de Genève - exigent la pro­tection de la popu­lation civile lorsqu’elle vit sous l’occupation mili­taire. Les Pales­ti­niens ont le droit d’être pro­tégés par le droit, si vous ne voulez pas qu’ils recourent au Hamas ou même à des abo­mi­na­tions beaucoup plus radi­cales, ce que nous voyons aujourd’hui en Syrie et en Irak. Donc, il faut à tout prix que le droit règne, que le droit protège les Pales­ti­niens pour calmer ce que vous, vous appelez de la haine, et que moi j’appelle les consé­quences d’une occu­pation qui a duré trop longtemps.

On com­prend bien votre demande. Pour l’instant, pas de réponse. Pourquoi selon vous la com­mu­nauté inter­na­tionale reste-​​t-​​elle aussi impuissante ?

Parce qu’elle est com­plice ! Parce que ça fait 47 ans que nous voyons que, lorsqu’il y a l’invasion du Koweït ou lorsqu’il y a n’importe quel évé­nement en Serbie, en Bosnie, il y a une occu­pation qui dure quelques semaines, quelques mois. Rappelez-​​vous l’intervention mili­taire au moment de l’occupation du Koweït, la coa­lition mili­taire s’est faite en cinq jours. Lorsqu’il s’agit d’Israël, il y a une forme de com­plicité - et je mesure mes propos - de la com­mu­nauté inter­na­tionale, parce que la Palestine n’a pas de pétrole, elle n’est pas un allié stra­té­gique, elle n’est pas un par­te­naire éco­no­mique comme Israël l’est avec l’Union euro­péenne. Donc on laisse faire. Et je pense que nous allons tous payer cette impunité d’Israël, parce qu’aujourd’hui la région entière est un volcan. Pas seulement la Palestine. Et si on ne rétablit pas la pri­mauté du droit, nous allons tous vivre sous les menaces de toutes ces bombes.

Dans ce contexte, est-​​ce que la médiation égyp­tienne a encore des chances d’aboutir ?

Ça ne suffira pas. Aujourd’hui, ce qui se passe est beaucoup trop grave pour une médiation. Et soyons sérieux, on ne peut pas mettre sur le dos d’un nouveau gou­ver­nement égyptien toute la res­pon­sa­bilité, dis­culper les Euro­péens et les Amé­ri­cains. M. Kerry a tra­vaillé pendant neuf mois. Il doit pour­suivre ses efforts avec ses alliés euro­péens, parce qu’il en va aussi de l’instabilité de la situation dans vos propres capi­tales. Vous savez, il y a une course contre la montre ! On doit établir le règne du droit en Palestine. Sa cen­tralité impose qu’on s’y attaque parce qu’on trouve aussi tous les autres pro­blèmes de la région : la Syrie, l’Irak, l’Iran et tout le reste. Mais pour cela, il faut mettre Israël devant ses res­pon­sa­bi­lités, immé­dia­tement pro­téger la popu­lation civile et exiger le retrait de l’armée israé­lienne. Tout ce qu’il faut, c’est une volonté poli­tique de la com­mu­nauté inter­na­tionale et une réso­lution contrai­gnante du Conseil de sécurité.

france-palestine.org

Tag(s) : #Actu-info
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